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Je suis la vigne, et vous les sarments : Demeurez en moi, et vous porterez du fruit

 

L’amour chrétien n’est pas un sentiment (on ne commande pas au sentiment), mais une volonté transformée par la grâce de la résurrection !

 

LES TEXTES

Lecture du livre des Actes des Apôtres (Ac 9, 26-31)

Psaume (21 (22), 26b-27, 28-29, 31-32)

Lecture de la première lettre de saint Jean (1 Jn 3, 18-24)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 15, 1-8)

 

Après la présentation que Jésus nous a fait de lui-même comme Bon Pasteur dimanche dernier, l’évangile de Jean nous offre de méditer aujourd’hui sur la qualité de notre relation avec Jésus. Si nous voulons porter du fruit, il nous faut être fortement unis au Christ, parfaitement ouverts à l’accueil des autres, et engagés dans un témoignage réel. Aimer pas seulement en paroles, mais par les faits. Nous pouvons donc dire que l’Eglise nous invite à méditer sur le mystère de la communion avec Lui à trois niveau : au niveau de la famille qu’est l’Eglise, au niveau de la société et au niveau personnel.

L’évangile est dominé par le Christ qui se présente comme la Vigne, et nous indique que nous sommes ses sarments !  Le Pape François disait que « Jésus utilise l’image de la vigne et des sarments et dit : demeurez dans mon amour, demeurez attachés à moi, comme le sarment est attaché à la vigne. Si nous sommes unis à lui, nous pouvons porter du fruit, et c’est cela la familiarité avec le Christ. Demeurer en Jésus ! C’est demeurer attachés à lui, à l’intérieur de lui, avec lui, parlant avec lui : demeurer en Jésus. » L’effort de l’homme et du chrétien, est de s’incorporer fortement en lui, et de favoriser l’incorporation des autres en Lui, afin que nous puissions jouir de sa sève de vie.

La première lecture nous décrit la communauté des premiers disciples, comme modèle de la communauté chrétienne. Il s’agit d’une communauté missionnaire et accueillante. Dans sa nature le chrétien est un missionnaire. Un chrétien devrait avoir du temps de sa semaine pour parler de Jésus, et aider un frère à venir dans la communauté chrétienne. C’est par l’activité missionnaire que nous nous trouvons obligés de vivre liés au Christ, et que les frères s’incorporent au Christ, unique vigne. Cette première lecture nous présente donc l’expansion missionnaire de la foi chrétienne hors d’Israël avec deux étapes décisives : l’incorporation de Paul, le futur apôtre des Nations, dans l’Église de Jérusalem.

Paul est un ancien persécuteur acharné des tout premiers chrétiens (Ac 8), qui avait approuvé la lapidation d’Etienne (Ac 7), Paul s’est converti au Seigneur sur le chemin de Damas (Ac 9) et veut rejoindre cette communauté à laquelle Jésus s’identifie pleinement : « Je suis Jésus que tu persécutes » (Ac 9,5). On comprend la peur des apôtres, et leur méfiance : ne serait-ce pas un nouveau stratagème pour découvrir les secrets de cette nouvelle hérésie et frapper ses chefs, les apôtres ? « Tous avaient peur de lui, car ils ne croyaient pas que lui aussi était un disciple » (v.26).

La communauté n’est pas idéalisée dans ce passage des Actes. Les peurs et les tensions y sont présentes : peur de l’ancien persécuteur, tension avec les Juifs hellénisants. Malgré cela, l’évangélisation suit son cours et Luc note l’extension du Royaume : « dans toute la Judée, la Galilée et la Samarie ». Un acteur aussi discret qu’important y est à l’œuvre : l’Esprit Saint, qui réconfortait l’Église et lui donnait de se multiplier (v.31). Saul gagnait toujours en force et confondait les Juifs de Damas en démontrant que Jésus est bien le Christ. Au bout d'un certain temps, les Juifs se concertèrent pour le faire périr. Mais Saul eut vent de leur complot. On gardait même les portes de la ville jour et nuit, afin de le faire périr. Alors les disciples le prirent de nuit et le descendirent dans une corbeille le long de la muraille.

À Jérusalem, Paul commence à prêcher et entre rapidement en polémique avec les Juifs de langue grecque ; pour sa sécurité et la leur, les frères de la petite communauté « l’accompagnèrent jusqu’à Césarée et le firent partir pour Tarse » (v.30). Après son départ, Luc note que « L’Église était en paix… » : on a l’impression que son activité mettait les gens mal à l’aise au point où lorsqu’il quitte Jérusalem, on tire le souffle. Mais on le voit bien, cette première communauté avec Paul, met en valeur l’importance de la mission et de l’accueil de l’autre. Nous devons gagner les autres à Jésus, et les lier à la vigne.

Le devoir missionnaire est une partie de notre baptême. Chaque chrétien devrait penser à incorporer au Christ les personnes qui sont autour de lui. Parfois ceux que nous pensons être les plus durs sont ceux qui attendent le mieux cette annonce. Beaucoup de « durs » ont accueilli l La seconde lecture nous parle de la relation entre le chrétien et sa communauté. Déjà uni comme un sarment est uni au tronc, à Jésus vraie vigne, le croyant est appelé à son tour à manifester cette union dans le milieu de vie. C’est par l’amour du prochain que le croyant manifeste son union à Jésus le bon pasteur, à la vigne.

Quels sont les « fruits » dont parle Jésus dans l’évangile ? La seconde lecture nous offre une réponse possible, avec la communion fraternelle, ce que Jean désigne comme le « commandement de l’amour » et l’intercession : « tout ce que nous lui demandons, il nous l’accorde » (1Jn 3,22). Déjà, lors de la dernière Cène, Jésus avait dit : « Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, demandez tout ce que vous voudrez, et vous l’obtiendrez » (Jn 15,7).

Lorsque Jésus évoque son Église dans l’évangile, il emploie toujours des métaphores qui rendent manifeste l’unité de ses membres : les sarments qui produisent ensemble les grappes de raisin, les épis de blé qui grandissent ensemble pour la moisson, les poissons qui sont pris ensemble dans un même filet, etc.  Nos communautés et nos familles sont ainsi les cellules qui forment le grand corps de l’Église. Elles n’accueillent la vie divine du Christ que dans la mesure où elles vivent la charité fraternelle. Si ce n’est pas le cas, elles se font illusion à elles-mêmes, dépérissent et laissent leurs membres insatisfaits. Des « sarments secs » dont Jésus nous a montré le devenir.

Si au contraire nous accueillons l’amour du Seigneur pour ce qu’il est vraiment, c’est-à-dire immense, inconditionné et allant jusqu’au don parfait de lui-même, nous sommes peu à peu conduits à lui ressembler par grâce d’union et à aimer de cette manière-là. Nous voyons alors avec les yeux de la miséricorde : nos frères auront beau être limités, orgueilleux, égoïstes, superficiels, ou simplement difficiles à supporter (comme nous d’ailleurs), nous verrons en eux tout autre chose. Nous découvrirons notre frère comme un pauvre pécheur, souvent blessé par la vie et tiré vers le bas par ces tendances mauvaises qui nous habitent tous ; et nous nous souviendrons que Jésus est mort pour lui. Nous pourrons alors trouver le geste fraternel qui convient pour que ce salut lui soit accessible, et que notre communauté soit l’auberge du Bon Samaritain.

Cela n’est pas affaire de sentiments – qui ne se commandent pas – mais d’une volonté transformée par la grâce. Souvenons-nous de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, s’appliquant à aimer la sœur qui l’agaçait le plus, au point que celle-ci croyait avoir gagné l’amitié privilégiée de Thérèse. Il ne s’agit pas là d’une attitude hypocrite mais d’une charité très fine. Si nous nous efforçons d’agir ainsi, nous nous surprendrons peu à peu à aimer comme Dieu aime et nous serons remplis de joie. Il faut alors prier pour aimer davantage. Ce n’est pas facile : pourtant voici ce que nous devons savoir:

« Dieu aime notre prochain, et il l’aime de la manière du monde la plus tendre et la plus forte. Dieu aime tout ce qu’il a fait, selon la parole du prophète (Sg 11,24). De sorte que, comme l’amour que nous avons pour quelqu’un nous transforme en lui en quelque sorte, que nous prenons ses intérêts, ses sentiments, ses passions, que nous ne vivons que dans lui et pour lui, si nous aimons Dieu, nous ne haïrons que ce qu’il hait et nous aimerons tout ce qu’il aime. Mais quel est cet amour que Dieu a pour notre frère ? Ce n’est pas un amour faible et languissant : il l’a porté à mourir pour votre frère !

Dites tout ce qu’il vous plaira de votre prochain ; faites un portrait de sa personne aussi désavantageux que vous pourrez ; employez à le peindre toutes les plus noires couleurs ; dites qu’il est lâche, qu’il est perfide, violent, intéressé, qu’il n’a ni esprit, ni conduite, ni vertu, ni piété, ni religion : tel qu’il est, Dieu le souffre [= le supporte], Dieu lui fait du bien, Dieu l’aime et vous ordonne de l’aimer. Mais il vous a trahi, il vous persécute, il vous dépouille, il vous maltraite, il vous hait à mort : il en use tout de même envers notre Dieu ; et notre Dieu ne laisse pas de l’aimer. Direz-vous que Dieu s’aveugle, qu’il n’est pas raisonnable dans sa passion, qu’il aime ce qu’il doit haïr ? Vous êtes bien délicat, si vous ne pouvez aimer ce que Dieu aime… »

Le troisième niveau d’insertion, est mystique, l’union et la demeure en Jésus. Une union intime entre le croyant et son Sauveur, qui dépasse tout ce que l’amour humain peut atteindre. C’est au sein d’une grande allégorie sur la vigne que Jésus nous invite à demeurer en lui, et ce fait n’est pas anodin, car nous voyons immédiatement se présenter le mystère eucharistique. Notre union avec lui, Jésus la réalise et l’approfondit par le sacrement de l’amour, sous les deux espèces sacramentelles. L’hostie consacrée est le corps du Sauveur, rendu présent sur l’autel grâce aux serments particuliers de la vigne que sont les ministres ordonnés. Ce Corps vient en nous pour nous greffer sur sa vigne. De même le sang du Sauveur devient pour chaque croyant cette lymphe vitale qui fait germer des fruits de vie éternelle. Dans ce sacrement se voient bien les trois niveaux de communion avec le Christ : personnel, puisque chacun vit le sacrement ; communautaire, par la célébration liturgique ; ecclésial, car c’est bien l’Église qui administre et célèbre le sacrement de son Époux.

Les personnages de l’évangile sont ainsi mis devant un choix existentiel : ou adhérer à Jésus, croire en lui et le suivre, - demeurer en lui - c’est à dire vivre ; ou bien refuser cet amour, s’enfermer dans un aveuglement égoïste et arrogant comme ceux qui ont condamné Jésus et suivre un chemin qui mène à la séparation d’avec Dieu, c’est-à-dire la mort. Dans l’évangile de ce dimanche, Jésus évoque le « sarment qui est en moi mais qui ne porte pas de fruit » (v.2) : il parle des membres de la communauté chrétienne qui se détachent du Seigneur, et cessent pour cela de germer parce qu’ils mettent un obstacle à la lymphe vivifiante qu’est la grâce. Comment cela peut-il se produire ? C’est ce que nous appelons traditionnellement le « péché mortel », c’est-à-dire ce qui provoque la mort de l’âme. Cette perspective dramatique, la parabole de ce dimanche la présente lucidement : « Les sarments secs, on les ramasse, on les jette au feu, et ils brûlent » (v.6). Effrayante possibilité, qui ne trouve pas son origine en Dieu qui veut le salut de tous, mais en l’homme. Le Christ ne souhaite jamais nous effrayer, mais Il veut à tout prix nous éviter les écueils et nous supplie de rester accrochés à Lui pour obtenir la vie.

Agréable dimanche

Abbé André Marie Kengne

Mouvement Pro discipulatis

Tag(s) : #Homélies, #Méditations chrétiennes
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