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Pour nous, il a souffert, c'est pourquoi Dieu l'a élevé

Bien aimé dans le Christ

Nous sommes bien servis en ce qui concerne la Parole de Dieu. La Semaine Sainte s’ouvre par une double célébration : la Procession, qui commémore l’entrée messianique du Seigneur à Jérusalem ; puis la Messe qui célèbre sa Passion. Sur le Mont des oliviers, nous évoquons l’entrée glorieuse de Jésus, annonciatrice de son futur triomphe ; puis nous descendons avec lui dans la vallée du Cédron, vers les mystères de son abaissement et de sa mort, dans l’attente de sa résurrection dimanche prochain.

Abaissement, exaltation : c’est le grand mouvement qu’illustrent les autres lectures, le « chant du Serviteur » (Is 50), l’hymne de la Lettre aux Philippiens (Ph 2) et l’extraordinaire Psaume 22 (Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?).

La première lecture est une méditation fort dure à vivre. Elle nous parle du Serviteur souffrant et confiant. Ce texte d’une grande beauté évoque la souffrance extrême d’un serviteur de Dieu à cause de sa fidélité à la Parole. L’identité du personnage présenté dans ces textes reste mystérieuse. Ce personnage correspond particulièrement et parfaitement à Jésus, dans son obéissance à Dieu son Père, et en faveur de l’humanité dont il portait les péchés, laquelle obéissance lui a valu tant de souffrance jusqu’à la mort. C’est la description d’un homme qui a vécu et agi par passion.

Lisant ce texte fort profond, le jeune fonctionnaire éthiopien pose une question à Philippe : « Je te prie, de qui le prophète dit-il cela ? De lui-même ou de quelqu’un d’autre ? » (Ac 8,34). Et Philippe partira de cet oracle pour annoncer le Christ à cet étranger et le baptiser quelques instants après. Oui, c’est le Christ qui est capable de pareille générosité et amour. Ainsi, ce texte parle parfaitement de Jésus, mais aussi ; il nous introduit non seulement dans le mystère d’amour de la semaine sainte, mais dans le mystère du témoignage de notre propre baptême.

En entrant dans la semaine de la passion, nous découvrons à travers ces textes combien la croix se situe au cœur de notre expérience chrétienne. En même temps on comprend que la croix n’est pas une fatalité, mais une trajectoire, assez bien illustrée par le Christ : il s’est abaissé, c’est pourquoi il a été exalté ! La croix est une expérience qui nous conduit jusqu’au calvaire, mais le Calvaire tout en révélant et en démasquant la laideur du mal, prépare l’exaltation de celui qui vit l’expérience de la croix à la suite du Christ.

L’expérience humaine est marquée par les croix, mais si l’homme accepte la Croix de Jésus, il vivra ces expérience comme des expériences de salut. C’est clairement dans les moments d’obscurité et d’épreuve que Dieu se rend présent : Il peut être renié comme l’a fait Judas, il peut être contemplé et aimé comme l’ont fait une multitude de personne. La présence de la croix devient pour nous l’occasion de choisir, et pousser un cri à Dieu, comme dans le Psaume de ce jour, où le psalmiste pleure sa souffrance à Dieu à travers un psaume qui rejoint nos interrogations les plus intimes :

Oui, des chiens me cernent,
une bande de vauriens m’entoure.
Ils me percent les mains et les pieds ;
je peux compter tous mes os.

Cette prière ne nie pas l’espérance, mais la manifeste au contraire, la rend présente comme en creux. Au moment de mourir, le Christ, Verbe de Dieu venu en ce monde, s’approprie une dernière fois la Parole de Dieu. Il la fait sienne dans sa propre langue maternelle, l’araméen et non l’hébreu, manifestant sa familiarité respectueuse avec Dieu, comme l’indiquait déjà l’expression araméenne « Abba, Père », lors de l’agonie à Gethsémani (v.36).

Dans tradition juive, on a l’habitude de citer le premier verset d’un psaume pour l’invoquer dans son ensemble, pour s’en approprier tout le contenu. Dans celui de ce dimanche, après la description des souffrances et les paroles de supplication, on a au niveau des versets 26-29, un retournement spectaculaire qui célèbre la réponse de Dieu et l’avènement de son règne ; l’action de grâces fait son apparition : « Je proclame ton nom devant mes frères, je te loue en pleine assemblée… ». Dans l’intervalle, quelque chose de radical s’est produit, Dieu est intervenu pour porter secours au malheureux : « Mais Tu m’as répondu ! »

La lecture de l’évangile qui nous a fait la Passion, a été sous forme de théâtre religieux, et nous pouvons voir en scène, trois groupes de personnages : les amis de Jésus, ses ennemis, la foule. Au niveau des amis et ennemis, nous avons des personnages qui balancent d’un sens vers l’autres. Ce récit commence par la conspiration des « ennemis » de Jésus, les « notables de Jérusalem ». On nous présente aussi les amis de Jésus, pendant le repas à Bethanie, avec la figure de cette femme qui entre avec un flacon de grande valeur, brise le parfum, et verse le contenu sur la tête de Jésus. C’est ce qu’on appelle chez ceux qui étudient la Bible, « l’onction de Béthanie ».

Ce geste soulève l’indignation des bien-pensants : « À quoi bon gaspiller ce parfum ?  On aurait pu, en effet, le vendre pour plus de trois cents pièces d’argent, que l’on aurait données aux pauvres. » A quoi bon dépenser cela alors qu’il va mourir bientôt ? à quoi bon dépenser cela, alors que nous pouvons mettre cela dans le budget des pauvres ! etc … J’ai souvent entendu pareil raisonnement de la part des bien-pensants, qui estiment que dépenser pour un malade terminal n’a pas de sens, qu’investir sur un enfant en famille n’a pas de sens, que partager rend pauvre, … Oui, les biens pensant savent que ces choses de valeurs méritent d’être gardées ! …

Ce geste de la femme (Marie Madeleine ?) m’a toujours particulièrement marqué ! Jésus prononce des paroles jusqu’aujourd’hui densément riches de sens à propos de ce qu’elle a fait : « Amen, je vous le dis : partout où l’Évangile sera proclamé – dans le monde entier –, on racontera, en souvenir d’elle, ce qu’elle vient de faire. » C’est souvent trop facile de juger ce que des individus font généreusement à l’Eglise ; ou envers les pauvres. Mais Jésus nous en démontre ici la superficialité ; il nous révèle la valeur éternelle du bien que nous faisons envers l’Eglise, qui à son tour s’occupe des pauvres. Dans l’évangile de Mathieu, il s’identifie lui-même au pauvre.

Le pont entre les amis et les ennemis de Jésus, c’est justement l’argent, qui intéresse beaucoup Judas. Judas est ce personnage qui nous permet de méditer entre le salut matériel et le salut de l’âme. Il nous montre avec succès qu’avec de le bien-être matériel, lorsqu’il n’est pas au service du Seigneur, comme l’a fait la femme de Béthanie, conduit de manière incontournable à la ruine, à la trahison, et pire, à la mort. Oui, le confort et les ressources matérielles qui sont l’objet de notre passion quotidienne, peuvent être un pont pour l’adoration du Christ, ou malheureusement servir pour la trahison de la vie.

On ne comprend pas pourquoi au lieu de travailler pour mettre la terre en valeur et adorer le Seigneur, on voit des personnes fortes physiquement qui vont enlever les enfants pour prélever leurs organes. L’homme qui craint Dieu ne comprend pas pourquoi des hommes adultes, soient capables de chercher à entretenir des relations sexuelles avec des petites filles, de petits enfants ! … On ne comprends pas pourquoi certains font des relations sexuelles avec leurs parents, ou familiers ! On appelle cela au Cameroun : les conditions !

En cela, nous remarquons que si la femme de Béthanie peut être chacun de nous, de la même manière, Judas n’est pas très loin de nous. Et dans tout cela, il y a Pierre, ces personnes qui voient, et ne sont pas capables de témoigner lorsqu’il faut ! Heureusement qu’il pleure amèrement après ! Si l’évangile met cet épisode de Pierre en relief, c’est justement pour que nous prenions conscience de la valeur du témoignage pendant qu’il est encore temps !

Et dans la scène de la passion, il y a la foule ! Elle acclame à l’entrée de Jérusalem, elle crie « à mort », et elle frappe la poitrine. La foule a toujours été ainsi ! Elle va dans le sens du vent des émotions collectives. C’est pour cela qu’elle est capable d’acclamer aussi les criminels comme elle l’a faite pour Barabbas ! Elle est capable de « faroter » ces artistes qui chantent les insanités qui rabaissent l’univers moral collectif, et permettent l’avènement du « règne des ténèbres » !

Heureusement, qu’au milieu de cette foule, il y a aussi des personnes, que la Bible nomme de manière précise ! « Des femmes » ! Jean l’apôtre, Joseph d’Arimathie dont on mentionne qu’il « a eu l’audace », le Centurion Romain ! Capable de ne pas se laisser emporter, capables de demeurer fidèles jusqu’à la mort ! Joseph a eu la sainte audace de se démarquer de ces hommes politiques et publics qui sont incapables de se mettre au service de la vie. Puis, l’évangile mentionne un détail : « Or, Marie Madeleine et Marie, mère de José, observaient l’endroit où on l’avait mis. » C’est l’image de personnes qui sont passionnés de vérité et de vie. Ces dames accompagnent Joseph l’audacieux, elles nous font comprendre que la vie est un don précieux.

En allant « voir où on l’a mis », il y a un nouveau livre qui s’ouvre : savoir accompagner l’homme dans sa vie, jusqu’au dernier moment avec foi et amour. Et le plus fort, voir là où on l’a mis, est le signe qui nous fait comprendre que tout ne s’arrête pas là ! Et on retrouve la réponse aux souffrances du « serviteur souffrant » : Dieu ne restera pas passif !

 

Abbé André Marie Kengne

Mouvement Pro discipulatis

Tag(s) : #Homélies, #Méditations chrétiennes
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